Dans notre précédent article, nous avons défini les contours de la dysrégulation émotionnelle : un long processus qui s'instaure entre un individu vulnérable*et un environnement invalidant**.
Et si votre environnement nourrissait votre auto-dépréciation ?
Rejet aveugle du comportement
Un environnement est qualifié "d'invalidant" lorsqu'il rejette le comportement d'un individu vulnérable de manière indiscriminée.
Le mot clé est ici "sans discernement". Il ne permet pas de faire de distinction entre des "comportements valables" et ceux qui ne le sont pas*.
*Nous précisions que les comportements restent valables dans la mesure où ils permettent de réguler une émotion ou d’agir sur un environnement.
La distinction à faire ici est que certains comportements peuvent avoir des conséquences négatives à moyen terme. Lorsqu'un environnement est invalidant, il éteint le comportement et le punit dans son ensemble.
Cela, sans enseigner d’autres comportements qui permettraient d’atteindre l’objectif que vous recherchez et que vous n’avez pu exprimer qu’à travers un comportement qui a des conséquences négatives.
Et Edouard ? Edouard s’est fait traiter de stupide par son amie Isabelle. Pourquoi ? Parce qu’il a frappé quelqu’un. Seulement, quand Isabelle traite Edouard de stupide, cela n’aide pas Edouard à distinguer les comportements valables de ceux qui ont des conséquences négatives. Cette remarque n’enseigne pas à Edouard comment réguler sa colère ou comment maintenir un désaccord tout en prenant soin de la relation. Implicitement, Isabelle entraîne Edouard à supprimer son émotion et à utiliser le dégoût de soi pour façonner son propre comportement.
Lorsque l'environnement éteint ou punit des comportements sans enseigner d'autres comportements, il entraîne et enseigne la surrégulation du comportement.
L'individu apprend qu'il ne devrait pas se comporter comme il le fait ou ressentir ce qu'il ressent. Il apprend à se dévaloriser pour améliorer son comportement (je suis un gâchis) et à supprimer ses émotions pour les réguler (je ne devrais pas me sentir comme ça).
Or, la suppression est particulièrement néfaste s’il s’agit d’expériences privées valables.
Ouvrir votre esprit à des comportements alternatifs
La thérapie DBT (Dialectical Behavorial Therapy) ou « TCD » en français (Thérapie Comportementale Dialectique) permet de rendre plus souple la manière de traiter ses émotions ; sans pour autant ignorer les effets paradoxaux de la suppression des émotions.
Notre équipe de psychologues accompagne les individus vulnérables avec cette conceptualisation qui implique que, par définition, tous les comportements -aussi extrêmes soient-ils- sont « valides » (au moins dans un certain sens).
Nous proposons aux individus vulnérables de distinguer les comportements qui sont valables et ceux qui impliquent des conséquences négatives. Cela pour éviter que les environnements invalidants laissent penser qu’un comportement doit être éteint ou punit, sans même discriminer ce qui est valable et ce qui ne l’est pas dans le comportement.
L’objectif, pour nous, c’est d’ouvrir votre esprit à des comportements alternatifs.
En effet, en réponse à un comportement qui au eu des conséquences néfastes, la personne vulnérable apprend à surréguler les comportements qui sont entièrement ou partiellement valides.
L'auto-validation, mais aussi la compétence apparente et le chagrin inhibé sont les enfants du rejet aveugle.
Renforce de façon intermittente l'escalade de l'expression émotionnelle.
L'environnement invalidant renforce par intermittence les comportements non valables. Il ne fait pas de distinction entre les comportements non valables et les comportements valables.
La plupart du temps, la fonction du comportement est valide (réguler une émotion ou fonctionner dans l'environnement) mais le comportement a des conséquences négatives à moyen terme.
L'environnement renforce le comportement non valable sans enseigner d'autres comportements permettant d'obtenir la même chose.
Permettre à quelqu'un d'obtenir ce qu'il veut en donnant des coups de poing ne permet pas de distinguer les comportements valables des comportements non valables et renforce les comportements extrêmes. Il n'enseigne pas comment réguler la colère ou comment maintenir un désaccord tout en préservant la relation et, au contraire, il enseigne l'escalade du comportement.
Lorsque le comportement extrême est renforcé, l'environnement apprend à sous-réguler le comportement. L'individu apprend que s'il intensifie son comportement, l'environnement cédera à sa position ou résoudra le problème à l'origine de l'émotion.
Le problème de l'environnement invalidant est qu'il renforce les comportements qui fonctionnent à court terme mais qui sont inefficaces à long terme, sans faire de distinction entre ce qui est valide et ce qui est invalide dans le comportement et sans enseigner d'autres comportements.
L’individu vulnérable apprend à sous-réguler les comportements qui sont partiellement invalides. Les comportements impulsifs, mais aussi la passivité active et les crises incessantes sont les enfants du renforcement intermittent de l'escalade.
Simplification excessive de la résolution des problèmes
L'environnement invaliant simplifie à l'extrême la résolution des problèmes. Il enseigne des attentes irréalistes qui ne tiennent pas compte de la vulnérabilité et de l'utilisation de l'autodépréciation comme moyen d'améliorer le comportement.
Marsha Linehan (Linehan, 2015) utilise le terme d'auto-invalidation pour décrire les deux processus:
- La difficulté à adapter les attentes à la vulnérabilité ;
- Le manque de « compétences » et la tendance à utiliser la punition comme moyen d'améliorer son propre comportement.
En simplifiant à l'extrême, nous trouvons l'enseignement des deux stratégies extrêmes, la sous-régulation et la sur-régulation. Si avoir des attentes irréalistes est un comportement sous-régulé, l'autodépréciation est un comportement sur-régulé.
La simplification excessive de l'environnement ne valide pas la difficulté de la tâche et n'enseigne pas à l'individu ce qu'il doit faire différemment pour obtenir ce qu'il veut. Dans un tel contexte, il est facile pour la personne d'apprendre à sous-estimer sa vulnérabilité (je devrais en être capable) ou à se traiter durement lorsque les choses ne se passent pas comme elle le souhaite (je suis un gâchis).
Vous souhaitez comprendre le fondement de la thérapie DBT ? Consultez notre article pour comprendre la théorie biosociale en quelques mots.